Le cimetière des esclaves oubliés
La découverte du site et le lancement des premières fouilles
Février 2007, tandis que La Réunion constate les nombreux dégâts causés par le cyclone Gamède, une découverte exceptionnelle est faite à Saint-Paul. L’érosion de la façade littorale due au phénomène a mis au jour de mystérieux ossements. En effet, suite au passage du cyclone, le littoral a reculé d’environ 10 mètres (15 mètres au niveau du cimetière), formant des sortes de petites falaises laissant apparaître des os humains.
Les premières études du cimetière des esclaves datent de mars 2007. L’équipe de fouille est alors composée d’agents de la Direction des Affaires Culturelles de la Réunion, d’agents de la municipalité de Saint-Paul, de professeurs universitaires mais aussi de l’anthropologue Bruno Bizot de la DRAC de Provence-Alpes-Côte-d’Azur venu en renfort. L’étude du site est complexe à cause de la fragilité des sols. Plusieurs affaissements et autres altérations endommagent la zone et les éléments exhumés. Cependant, l’étude du terrain a permis d’estimer la période d’activité du cimetière au XVIIIe siècle.
L’étude des sépultures
Neuf sépultures sont mises à jour lors des fouilles. Parmi elles, sept sont étudiées. Les fouilles localisent également quatre amas osseux. Ces amas sont disposés à la fois sur et à côté des sépultures. La disposition des amas osseux indique que ces corps ont été inhumés approximativement un an après ceux des sépultures. Cet élément permet d’exclure l’hypothèse d’une inhumation simultanée due à une catastrophe. Le site n’est pas une fosse commune. Des hommes, des femmes et des enfants ont été inhumés dans ce cimetière. Plusieurs éléments indiquent qu’ils sont originaires d’Afrique. Le premier indice est leur morphologie crânienne. Le second indice se trouve au niveau de la dentition de la première femme exhumée. Ses dents ont été taillées en pointe comme il est coutume dans plusieurs régions d’Afrique. Les défunts ont été inhumés dans des cercueils fabriqués en bois de récupération comme l’indiquent la présence et la disposition de clous.
Une seconde période d’étude du site débute en juin 2011. Il est alors possible de confirmer les constats établis lors des premières fouilles mais peu d’éléments viennent compléter les données recueillies en 2007.
Un cimetière fort mystérieux
Les fouilles ont permis une étude des sépultures mais le cimetière oublié demeure mystérieux. Aucune trace de matériaux de construction n’a été retrouvée, néanmoins, il est possible que la délimitation des tombes ou des allées ait été faite en matériaux périssables comme du bois ou des végétaux.
Aucune date précise ne peut être donnée en ce qui concerne la création de ce cimetière. Cependant, l’ouvrage « Les cimetières de La Réunion, contribution pour servir à une histoire des mentalités à La Réunion » de Prosper Eve permet à l’historien Sudel Fuma de retrouver des sources datant du début du XIXe siècle faisant état d’un cimetière “hors enclos” au niveau du cimetière de la Caverne (aujourd’hui cimetière marin).
Les esclaves ont possiblement été inhumés hors du cimetière car ils n’étaient pas chrétien. Leur statut d’esclave ne serait alors pas l’unique raison de cette inhumation hors enclos, il pourrait s’agir d’une question de religion. Bien que les esclavagistes avaient pour devoir de convertir leurs esclaves à la religion catholique apostolique et romaine, beaucoup faisaient fi de cette obligation pour des raisons de négligence ou par manque de personnel religieux apte au baptême sur l’île. Il ne s’agit cependant que d’une hypothèse.
L’inauguration d’un lieu de mémoire
Le site est inauguré en 2019 en présence du sous-préfet de St Paul, du premier adjoint au maire de Saint-Paul, Yoland Velleyne, de l’historien Prosper Eve, du collectif Eli, du maire de Fort-Dauphin et de sa délégation, ainsi que d’une centaine d’autres personnes. À l’initiative des collectivités territoriales, d’associations, de chercheurs et d’historiens, ce lieu de mémoire marque un tournant pour la valorisation du patrimoine réunionnais. Une stèle est présentée en hommage aux esclaves enterrés dans ce cimetière oublié. Elle a été réalisée par le saint-paulois Jack Beng-Thi. Le jour de l’inauguration, un arbre est planté, symbole de la volonté de cultiver le devoir de mémoire.
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Bonjour,
j’ai découvert que dans le livre de Joseph Tipveau alias Bibique « sur la piste des frères de la côte » publié en 1988, il parle aussi d’une zone devant le cimetière marin où l’on trouvait des os humains. Il présume que c’est une zone de sépulture plus ancienne que le cimetière actuel mais il ne se doutait pas qu’elle a servi à ensevelir des esclaves.