La Vallée Secrète : un site archéologique d’exception
Pratiquement inaccessible, la Vallée Secrète est un lieu mythique témoin de la quête de liberté des marrons de Bourbon. Située dans les hauteurs de Cilaos, la Vallée Secrète culmine à quelques 2 200 mètres d’altitude. Étroite de 10 mètres, elle s’étend sur une longueur de 35 mètres. Cette forteresse naturelle quasi-impénétrable est bordée de murailles rocheuses vertigineuses offrant la sécurité et la liberté tant recherchées par les esclaves en fuite.
Une aubaine pour les marrons, un défi logistique pour les chercheurs
C’est en 1995, lors d’une expédition ornithologique, que le guide de haute montagne Pascal Colas découvre des traces de vie humaine sur ce lieu qu’il nomme alors “Vallée Secrète”. Le site ne fera l’objet d’études qu’en juillet 2011 et juillet 2012 grâce aux recherches entreprises par Anne-Laure Dijoux, alors doctorante en Archéologie à l’Université de Paris 1.
Les conditions d’accès au site sont extrêmes et se limitent à deux solutions : la descente en rappel ou le dépôt en appui-patin par un hélicoptère.
La topographie du lieu répond parfaitement aux critères des sites de marronnage. En effet, ce point stratégique permet d’avoir une grande visibilité sur les alentours sans être soi-même repéré.
Aménagements et alimentation
Les datations au carbone 14 ont révélé que le camp marron de la Vallée Secrète aurait été fréquenté entre 1750 et 1848. Deux structures en dur, réalisées avec des pierres sèches, ont été aménagées par les marrons. D’après les estimations, ses structures à demi-abritées par un porche naturel pouvaient accueillir jusqu’à trois personnes allongées. Peu d’objets ont été retrouvés et les rapports ne font état que d’un fragment de pipe, d’un fer plat, d’un clou en fer forgé et de fragments de silex. L’absence de tout autre objet atteste du peu de ressources matérielles que possédaient les marrons. Ils ne s’encombraient guère d’objets dans leur fuite, cependant la présence de ces quelques outils dans un lieu si reculé ne laisse place au doute quant à la présence des marrons.
Les recherches ont également permis d’identifier des vestiges de faune en surface. Ainsi, les sondages archéologiques ont permis d’exhumer 800 ossements d’animaux brûlés. Ces ossements informent sur l’alimentation des marrons et révèlent qu’ils se nourrissaient principalement de pétrels de Barau juvéniles capturés dans leurs nids mais également de mammifères tels que des porcs, sangliers, des chèvres et des moutons. Il est donc possible d’affirmer que les marrons gardaient une certaine mobilité malgré les conditions d’accès de leur camp.
Entre hypothèses et interrogations
La flore présente sur le site a également fait l’objet d’études et de recherches. Les résultats permettent d’émettre une hypothèse majeure. Il a été constaté que bon nombre des espèces végétales présentes dans la Vallée Secrète sont en réalité utiles à l’Homme, à son alimentation mais aussi à la médication. Il n’est donc pas à exclure que ces végétaux aient été introduits par les marrons eux-mêmes lors de leur établissement.
Bien que l’établissement d’esclaves fugitifs sur le site n’est plus à prouver, des interrogations persistent. Les conditions climatiques extrêmes et les températures négatives peuvent porter à croire que des marrons sont morts sur le site de la Vallée Secrète. Cependant, aucun ossement humain n’a été retrouvé sur le site à ce jour. Le mystère reste donc entier en ce qui concerne le devenir de ces marrons.